Le film de Madonna, qui sort mercredi, fait le parallèle entre la célèbre histoire du couple Edward VIII/Wallis Simpson et celle d’une histoire d’amour dans les années 90. Nous avons pu voir W.E. durant une des projections presse, et nous vous livrons, ici, notre critique du film.
Il faut aller voir W.E. Et même le revoir…
En plus d’être une œuvre vibrante et touchante, Madonna livre un travail d’une réelle sincérité et d’un esthétisme raffiné, pour son second film en tant que réalisatrice.
Curieusement, dans les interviews qu’elle accorde pour la promotion du film, on lui demande systématiquement quels sont ses points communs avec Wallis Simpson. Pourtant c’est avec le personnage moderne de Wally Winthrop que l’on peut trouver de réelles similitudes.
Depuis son obsession pour le couple Wallis/Edward qui la pousse à rendre visite à Mohammed El Fayed, jusqu’à ce besoin de livrer l’histoire d’un point de vue féminin, on croit entrevoir Madonna à travers cette femme moderne qui cherche à fuir un mariage bourgeois et abusif, pour vivre une histoire plus simple, avec un immigré issu d’un milieu plus modeste.
« Tu vois, nous ne sommes pas tous des gangsters » dit le russe Evgeni à la riche et malheureuse Wally.
On pourra cependant reprocher à W.E. un certain déséquilibre dans sa construction.
Choisir de faire le parallèle entre deux situations à deux époques différentes, est un exercice périlleux. C’est à ce niveau que se situe le principal écueil du film.
Alors que les scènes de Wallis et Edward sont brillantes et excitantes, que les personnages sont beaux, raffinés et les situations richement documentées, la période contemporaines n’a que peu de relief, en comparaison. Choisir l’analyse de deux situations, pour en tirer la leçon que l’amour peut être aussi bien une prison, qu’un long chemin vers la liberté, impose au réalisateur de vouer la même attention aux deux époques, et ce n’est quasiment jamais le cas.
Mise à part, la scène brillante des enchères à Sotheby’s, on pourrait croire que le duo de scénaristes Madonna/Keshishian n’a jamais réellement cherché à développer le personnage de Wally, à décrire sa situation, ou à expliquer son obsession pour le Duc et la Duchesse de Windsor.
À l’inverse, tout est donné à Wallis, personnage à l’humour cynique dont la garde-robe somptueuse et les dialogues pointus donnent à Andrea Riseborough l’opportunité de livrer une performance immense dans son rôle de Duchesse de Windsor. James D’Arcy est tout aussi brillant dans son rôle de prince déchu, un peu trop gâté par la vie.
En 1998, la situation est moins glorieuse et ne laisse quasiment jamais au spectateur le loisir de développer un sentiment réel à l’égard du moindre personnage contemporain.
Ainsi, qu’il s’agisse de la crise de nerfs de la pauvre Wally négligée par son mari ou de la violence inexplicable de leur relation, tout semble manquer de finesse, donner dans la démesure.
A l’identique, Evgeni prend souvent la pause, alors qu’il aurait pu être le véritable héros de cette tragédie, mais le script ne lui laisse qu’une place très limitée.
Au final, c’est toute l’histoire d’amour moderne qui sombre dans une certaine platitude, et avec elle, l’analyse souvent trop linéaire de la relation de couple à notre époque qui passe à la trappe.
Le mari de Wally la néglige, elle veut un enfant, il est infidèle, ils sont distants, il est violent, elle le trompe, elle le quitte. Comme si le script et la réalisation n’avaient pas prêté attention aux nuances de notre époque, pour la résumer brièvement à sa frénésie et à une succession d’évènements trop souvent prévisibles.
A côté, la vie de Wallis et Edward est un ravissement pour l’œil et l’oreille tant chacun des détails, des objets ou habits, le moindre mot ou la plus petite note de musique ont été soigneusement et intelligemment pensés.
Un point de vue décalé
Le plus gros choc derrière W.E. reste la vision finalement très soumise choisie par la réalisatrice. Un parti-pris auquel Madonna ne nous a pas habitué. Celui de raconter l’histoire de deux femmes dépendantes et malheureuses, dont le bonheur semble exclusivement dépendre des hommes. Pendant que Wallis se voit peu à peu emprisonner dans l’univers d’un homme puissant, Wally se voit libérée par sa rencontre avec un homme simple.
Les ficelles de ce que Madonna veut démontrer ici, à savoir le parallèle entre ces deux situations, l’une étant le négatif photo de l’autre, peuvent parfois sembler quelque peu trop apparentes. Du coup, ce constant va-et-vient qui au demeurant, tient sérieusement la route coté narration, est parfois réussi, parfois assez lourd tant on voudrait rester perdu à jamais, dans l’univers raffiné de Wallis et Edward, si brillamment dépeint par Madonna.